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LE STRESS ET SA PHYSIOLOGIE* |
Le stress n’est pas le fruit du hasard. L’absence ou la diminution du stress et de la fatigue est l’une des clefs essentielles de l’épanouissement. Le stress : le meilleur et le pire. Maladie, trouble symptôme de la société, il peut être considéré comme l’interaction entre agression et réaction de l’organisme face à cette agression. Le stress est devenu psycho-émotionnel. Si les agressions peuvent être multiples et diverses, corps et cerveau réagissent biologiquement toujours de la même façon. Pour la médecine classique, le stress est en effet constitué de réactions neurophysiologiques et psychiques déclenchées par des événements ressentis comme menaçants. Pour nous, le stress est une réponse naturelle à un stimulus extérieur ou intérieur qui agresse notre cerveau et notre corps.
Pour comprendre comment notre cerveau réagit, il faut savoir que le
système endocrinien possède l’originalité propre
de ne rien créer dans l’organisme, mais de moduler à l’aide
d’hormones, pratiquement toutes les réactions normales de notre
organisme. C’est donc un système permettant à l’organisme
de s’adapter à toutes les variations qui lui sont imposées
aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur. Le stress
permanent dont la fatigue est une résultante, éloigne plus ou
moins bien le spectre de la dépression. La dépression, qu’elles
que soient les formes que peut revêtir cette grave maladie, masque et
cache avec soin la fatigue physique et psychique.
Pour ma part, je pense que le stress et la fatigue agissent de la même
façon perverse, et que fatigue, stress et angoisse sont des fléaux
aboutissant inévitablement à la vraie dépression. La fatigue
peut se manifester par la mélancolie, le spleen, l'angoisse, le stress,
l'anxiété, ce sont les cinq doigts d'une main.
Le surmenage, l'insomnie, les chocs émotionnels, les traumatismes, les
idées noires, qui provoquent des dérèglements de l'humeur,
font partie de l'autre main.
La fatigue n'est qu'un simple maillon de la chaîne qui deviendra, plus
tard, si elle n'est pas stoppée, un état ou un syndrome dépressif.
C’est Henri LABORIT - médecin, chirurgien, biologiste, inventeur
des neuroleptiques et Professeur de neurophysiologie du système nerveux
à l’hôpital Boucicaut à Paris qui a proposé
le modèle le plus complet du stress, dont les données sont source
de références encore en 2006. Mais le mot stress a été
vulgarisé par les travaux de SELYE qui décrivent les réactions
de l’individu face aux agressions de l’environnement. Le Pr LABORIT
distingue deux types de stress : un premier purement physiologique et un second
psychosocial.
Le stress purement physiologique qu’il nomme « choc » est un état d’alarme de l’organisme face à une agression physique de l’environnement. C’est une réaction physiologique aspécifique qui est toujours la même quelle que soit l’agression (le stresseur) ; c’est cette réaction qui a été décrite remarquablement par SELYE. L’agresseur peut être un agent infectieux, un choc physique (traumatisme crânien lors d’un AVP, ou un bruit insupportable lors d’une explosion…). La réaction physiologique sera toujours la même, c’est pourquoi elle est dite aspécifique. Il y a une perturbation de l’équilibre du milieu intérieur, une perturbation de l’homéostasie liée à l’irruption de l’agent stresseur. Alors se met en route rapidement la réaction d’alarme. Cette réaction met en route deux systèmes neuroendocriniens.
a) - Le système réagissant en premier dans les toutes premières
secondes est le système adrénosympathique.
Système nerveux périphérique particulier, il contrôle
le fonctionnement des organes internes comme le cœur les vaisseaux, les
poumons, le système digestif, l’appareil urogénital. Ce
système adrénosympahique est constitué d’une part
par la chaîne des ganglions du système sympathique.
Ce sont des satellites des différents organes qui, par circuit nerveux,
envoient dans ces organes des catécholamines (adrénaline et noradrénaline)
pour modifier leur fonctionnement : c’est la réponse nerveuse.
D’autre part, par la médullosurrénale qui sécrète
des catécholamines et les envoie par voie sanguine aux différents
organes : c’est la réponse humorale.
A ce système nerveux périphérique est couplé un
centre nerveux spécifique au sein du SNC, le locus coreleus qui sécrète
essentiellement de la noradrénaline dans la phase d’alarme d’un
stress.
La sécrétion des catécholamines et la stimulation qu’elles
engendrent au sein des organes comme au sein des centres nerveux provoquent
les réactions suivantes :
- vasoconstriction des vaisseaux périphériques pour réserver
le flux sanguin aux organes principaux (cœur, poumons, et cerveau.)
- augmentation de la tension artérielle et accélération
du cœur
- accélération de l’oxygène des organes et des muscles
- vascularisation préférentielle des muscles
Au sein du système nerveux central se manifestent deux phénomènes
physiologiques fondamentaux : concentration de l’attention et augmentation
de la vigilance. Ces phénomènes physiologiques permettent la fuite
ou la lutte. Les Catécholamines induisent également un état
d’anxiété pouvant aller jusqu’à l’angoisse,
état faisant intervenir le système limbique qui gouverne l’affectivité.
Cet état d’anxiété ou d’angoisse sera d’autant
plus élevé si le sujet ne peut passer à l’action,
s’il y a inhibition de l’action. Il s’agit alors d’une
« inhibition en tension ». Cette expression propre décrit
une situation clinique que nous rencontrons tous les jours comme praticien :
Des patients inhibés dans l’action et hypertendus dans leur corps.
La sophrologie induisant un état de relaxation diminue alors l’activité
du système adrénosympathique et les décharges de catécholamines.
C’est pourquoi nos techniques de sophrologie agissent sur la fréquence
cardiaque, la tension artérielle et la fréquence respiratoire,
et diminuent ainsi l’anxiété, l’angoisse et le stress
b) - Le système qui réagit en second dans les premières
minutes est le système neuroendocrinien. C’est un système
à trois étages avec des boucles de rétroaction entre les
étages. La glande endocrine est la corticosurrénale (au-dessus
du rein) ; elle sécrète le cortisol. Ce dernier joue un rôle
majeur dans l’homéostasie du milieu intérieur en maintenant
le taux de sel, le volume plasmatique et par conséquent la tension artérielle.
Le cortisol permet également le maintien de l’activité musculaire
et intellectuelle (l’hypocorticisme se traduit par une grande asthénie).
La sécrétion de cortisol est contrôlée par l’ACTH
produit par l’hypophyse antérieure. L’hypophyse constitue
ainsi le second étage de ce système complexe
L’ACTH a bien évidemment une action sur l’homéostasie
du milieu intérieur en favorisant la sécrétion de cortisol,
mais l’ACTH a aussi une action sur le SNC en facilitant la réponse
locomotrice.
Selon les scientifiques, il existe au sein du SNC un système activateur
de l’activité (SAA) et un système inhibiteur de l’action
(SIA). Mais ces deux systèmes ne fonctionnent pas sur le même mode.
La réaction de fuite et de lutte portée par le SAA (qui se trouve
dans la substance grise centrale) est une réponse non conditionnée.
En d’autres termes la réaction de fuite ou de lutte est une réponse
instinctive et réflexe non appris. Par contre l’inhibition de l’action
est une réponse conditionnée, c’est à dire supposant
un apprentissage.
La démonstration de LABORIT est ici fondamentale. Le rat soumis à
un stimulus aversif répond d’abord par la fuite ou la lutte (mise
en route du SAA). C’est dans un deuxième temps qu’il va choisir
le comportement de l’inhibition de l’action (mise en route du SIA).
« Il nous apparaissait que le rat mémorise par apprentissage l’inefficacité
de la fuite ou de la lutte pour s’inhiber »
En tant que thérapeutes, c’est la situation de la maladie dépressive
que nous retiendrons. Ce qui est intéressant c’est que le cortisol
active le système inhibiteur de l’action (SIA).
En effet « l’ACTH en activant le SAA facilite la réponse
locomotrice aux agressions mais en retour du fait qu’elle initie la libération
de cortisol, elle va secondairement ramener le comportement locomoteur à
son niveau primitif par stimulation du SIA ». L’inhibition de l’action
intervient dans un deuxième temps, elle se fait en partie sous l’action
du cortisol et se traduit par de l’anxiété et de l’angoisse,
elle marque le deuxième temps de la réaction de stress qu’avait
décrit SELYE.
C’est le temps de la reconstitution de l’homéostasie du milieu
intérieur à l’aide du cortisol. SELYE l’avait appelé
la phase de résistance.
D’autres chercheurs ont prouvé que le cortisol est augmenté
dans la maladie dépressive. Les travaux menés à l’Hôpital
SAINTE-ANNE démontré par D.MOUSSAOUI et ceux de Théodore-yves
NASSÉ Service de Neuro-Psychiatrie attestent de ce fait, il y a bien
longtemps déjà, dans les articles et revues médicales agressologie
notamment revue du Professeur laborit.( 1984).
Le troisième étage est constitué par l’hypothalamus
qui sécrète le C.R.F. (cortico-releasing-factor) qui contrôle
la sécrétion de l’ACTH hypophysaire. Cet étage est
celui du cerveau neurovégétatif lui-même coiffé par
le système limbique pouvant être considéré comme
le cerveau affectif.
Ce mécanisme est, beaucoup plus complexe. Ce n’est plus une simple
réaction physiologique, ni un mécanisme instinctif (un comportement
stéréotypé) à une agression extérieure, mais
un phénomène interactif. Le stress psychosocial fait intervenir
la mémoire, l’apprentissage, donc le cerveau affectif et limbique.
Dans la Nouvelle Grille mais très ancienne il expose les différentes
fonctions du cerveau qui interviennent lors du stress psychosocial.
Ces fonctions sont particulièrement intéressantes à comprendre
pour nous autres sophrologues, puisque ce sont ces fonctions que nous mettons
en route (l’émotion, la mémoire, l’imagination, et
l’association d’images) au cours de nos séances de sophrologie.
Le cerveau primitif (hypothalamus et tronc cérébral ) assure une
homéostasie physiologique. Le cerveau limbique et affectif assure une
homéostasie émotionnelle et psychique : l’harmonie des émotions
et la sérénité. Cette perspective s’envisage donc
comme rupture d’un système homéostatique et, si le système
nerveux doit être considéré comme un système assurant
avant tout une action motrice sur l’environnement. Il faut aussi considérer
que le cerveau est capable de représentations imaginaires fécondes
pour défendre l’intégrité du Moi.
L’angoisse peut se résoudre par la fuite, la lutte ou l’agressivité
défensive. Elle persistera, au contraire, si le stimulus nociceptif ou
frustrant persiste et si le système d’inhibition est mis en jeu.
La peur peut être considérée comme étant à
l’origine de la fuite (panique), de la lutte (agressivité défensive),
comportements qui peuvent devenir secondairement gratifiants. La gratification
et le sentiment de plaisir sont engendrés au sein du cerveau par la sécrétion
d’endorphines.
Deux chercheurs, HUGUES et KOSTERLITZ, ont isolé et analysé les substances opiacées du cerveau. Il s’agissait de deux peptides faits chacun de cinq acides aminés. Ils baptisèrent cette substance enképhalines ; le nom donné couramment est endorphines pour signifier leur origine endogène et leur analogie avec la morphine, et c’est ce dernier qui prévalut.
La répartition des récepteurs de cette endorphine au niveau du cerveau est très vaste. On en trouve dans la moelle épinière, le tissu cardiaque, dans les glandes surrénales, le pancréas, les tissus rénaux et lymphatiques. Le cerveau limbique, responsable de la tonalité affective, semble très riche en récepteurs d’endorphines. Il est clair qu’une poussée d’endorphines va agir sur le cerveau et les organes, ainsi que sur l’état mental. Lors d’un combat ou d’une compétition sportive, état de stress intense et prolongé, le sportif blessé ne ressent pas la douleur grâce à la sécrétion d’endorphines. Par contre au repos, après l’effort, la douleur va apparaître. D’où l’idée de faire fabriquer mentalement par les patients cette endorphine pour faire disparaître la fatigue, le stress et la dépression.
Le système limbique est le centre de l’affectivité ou plutôt
de la mémoire à long terme. « La mémoire à
long terme est nécessaire pour savoir qu’une situation a déjà
été éprouvée antérieurement comme agréable
ou désagréable. La mémoire à long terme va donc
permettre la répétition de l’expérience agréable
et la fuite de l’expérience désagréable ».
Selon LABORIT, les expériences mémorisées le sont dans
deux systèmes distincts et en opposition :
- le faisceau de la récompense et du renforcement : c’est le medial
forbrain bundle (MFB)
- le faisceau de la punition : le periventricular system (PVS)
La stimulation physiologique du MFB donne une sensation de plaisir. Lorsqu’il y a coïncidence entre l’intention (la représentation imaginaire) et le résultat de l’action, le MFB est activé. L’intention fait appel à la mémoire des expériences antérieures. En d’autres termes, le MFB est activé quand l’homéostasie émotionnelle et psychique est rétablie. C’est le circuit dit de la récompense. C’est ce circuit qui est mis en route par nos techniques sophrologiques et surtout celles qui font appel aux représentations imaginaires positives et agréables. On pourrait appeler le MFB le circuit de la positivation. Le MFB fonctionne avec certaines catécholamines : la dopamine et la noradrénaline qui sont les neuro hormones stimulant l’action. On peut comprendre que ce circuit de la récompense est celui que l’on met en oeuvre lors des sophro acceptation progressive qui, par exemple, préparent les épreuves sportives. En effet il anticipe la récompense pour faciliter l’action efficace. article( A.Donnars.)
Le PVS au contraire est le système de la punition : il se met en route lors des stimulations aversives et se traduit par un sentiment de frustration. Sur le plan comportemental, cela donne la fuite, la lutte (agressivité défensive) ou inhibition. Le PVS réalise une connexion entre les structures corticales et limbiques. Ce système est cholinergique : la neuro hormone est l’acétylcholine. Ce circuit de la punition aboutit à l’inhibition de l’action qui survient lorsque la punition ne peut plus être évitée par la fuite et la lutte. L’inhibition de l’action suppose la mémorisation d’expériences désagréables où l’action a rencontré des échecs douloureux. La psychologie de victimes de traumatisme s’explique par l’excitation récurrente de leur PVS qui se traduit par l’inhibition de l’action dés qu’elles voient resurgir des images s’associant à leur ancien traumatisme.
Dans le système limbique, les affects (polarité agréable ou désagréable) commandent l’action ou l’inhibition de l’action par l’intermédiaire du MFB et du PVS. Par contre les représentations imaginaires sont traitées par un réseau supplémentaire : le néocortex.
Chez l’humain le cortex cérébral est le lieu où s’élaborent les images et les concepts. Pour LABORIT, le cortex cérébral fabrique des représentations imaginaires à partir des éléments mémorisés ; ainsi les éléments incorporés dans le cerveau, à partir des canaux sensoriels vont pouvoir devenir dans le cortex des représentations imaginaires qui vont permettre au sein du cortex de reconstituer la structure sensible d’un objet (à partir du souvenir que nous avons de sa vision, de son odeur, de son toucher). Mais le cortex associatif peut faire plus : grâce au système associatif des lobes fronto-orbitaires, il peut recombiner les éléments mémorisés d’une façon différente de celle par laquelle ils nous ont été imposés par le milieu extérieur.
Le cerveau est le chef d’orchestre philharmonique le plus puissant au monde, le plus joyeux lumineux et inventif, passant de la mémoire immédiate à la mémoire ancienne avec une rapidité incroyable. Rien ne peut s’effacer dans notre cerveau. Par contre la perte de la mémoire (de certains événements) peut être la cause d’un stress, ou l’anxiété ou malheureusement due à une maladie plus grave.
Ces modèles du stress nous ont permis d’exposer le rôle
de quelques neurohormones et de comprendre sur quelles fonctions du cerveau
elles agissent. Nous pouvons très vite comprendre comment une anxiété
banale et légère, donnant une angoisse qui surchauffe le cerveau
et notre corps, va mettre en marche la chaîne du stress, et aboutir à
la dépression si rien n’est fait. Le stress est un fléau
que l’on peut identifier et surtout comprendre aujourd’hui grâce
aux nouvelles techniques d’imagerie mentale et surtout grâce aux
découvertes sur les hormones du stress. En parallèle, les récentes
études menées à l’Hôpital BICHAT et au Centre
Européen de Recherche, Développement et Enseignement de la Nutrithérapie
(CERDEN)-Campus-Université Libre de Bruxelles sur des compléments
alimentaire spécifique ont montré l’intérêt
de ces produits dans les traitements des états de choc au stress. Soit
seul ou accompagné d’une prise en charge de ces troubles multiples
dès leur apparition, l’association d’un traitement avec une
prise en charge en psychothérapie une psychothérapie une sophrologie
ou tout autre type de thérapie semble pertinente et ne peut qu’améliorer
et activer l’état de nos patients.
Nos patients parlent de pluie dans leur tête, belle image pour monter
la détresse psychique. La liberté pour eux, c’est l’absence
d’angoisse et surtout de ne plus être anxieux ou stressé
déprimé, le seul désir est de retrouver simplement les
choses simples de la vie de tous les jours.
C’est cette liberté que l’on peut tenter d’apporter
à nos patients.
*Par Théodore-Yves Nassé est psychologue clinicien, Pr. en Psychopathologie
Clinique Paris
THEODORENASSE@aol.com
www.psychotherapie.fr